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Introduction au journalisme d’investigation : le data-journalisme

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L’utilisation des données par les journalistes n’a rien de nouveau. Mais au cours des dernières décennies, elle a bien évolué. Dans les années 60, Philip Meyer a commencé à utiliser des ordinateurs afin de traiter des données pour divers projets alors qu’il travaillait pour Detroit Free Press. Il a également commencé à intégrer dans ses enquêtes des méthodes de recherche utilisées en sciences sociales comme il l’a expliqué plus tard dans son livre “Precision Journalism: A Reporter’s Introduction to Social Science Methods” publié en 1973.

Au fil du temps, de plus en plus de journalistes ont suivi l’exemple de Meyer. En 1989, avec le soutien de l’École de journalisme du Missouri aux États-Unis, l’organisation Investigative Reporters and Editors (IRE) a lancé le programme National Institute for Computer-Assisted Reporting. Les journalistes ont alors commencé à être formés sur les diverses méthodes d’exploitation des données dans des enquêtes ou même sur la réalisation d’enquêtes à partir de données.

Au cours des décennies qui ont suivi, alors que l’utilisation d’Internet se répandait et que des volumes croissants de données devenaient disponibles, les journalistes ont commencé à utiliser le terme “data-journalisme” pour qualifier les enquêtes dans le cadre desquelles la collecte et l’analyse de données occupaient une partie importante du processus, afin de mettre en évidence des problèmes systémiques et d’identifier des tendances, ainsi que des valeurs aberrantes, tout en enquêtant sur des sujets d’intérêt public.

Le journalisme assisté par ordinateur est donc devenu une pratique courante, comme le fait remarquer Brant Houston, ancien directeur exécutif de l’organisation IRE : Dans le monde entier, que ce soit individuellement ou dans le cadre d’organisations régionales ou même internationales, les journalistes ont commencé à faire appel à cette pratique pour mener leurs enquêtes. Dans le même temps, des universités et des organisations dans le monde entier, telles que le Réseau international de journalisme d’investigation, ont commencé à proposer des formations sur le data-journalisme.

Aujourd’hui, 60 ans après les expériences menées par Meyer avec des ordinateurs, de nombreuses enquêtes résultent du traitement de volumes importants d’enregistrements et d’analyses informatiques des données, auxquels s’ajoutent des techniques d’enquête traditionnelles, telles que des entretiens avec des sources humaines, des enquêtes sur le terrain et la consultation d’archives et de documents publics, pour produire des enquêtes d’intérêt public.

Où trouver des données

Les données sont omniprésentes. Grâce aux avancées technologiques des dernières décennies, il est désormais possible de stocker et de traiter plus d’informations que jamais auparavant. Les données peuvent également se présenter sous forme agrégée ou granulaire. Les journalistes préfèrent bien évidemment utiliser des données granulaires qu’ils peuvent analyser sous tous les angles. Et pourtant, ce n’est pas toujours le cas.

Néanmoins, de nombreux gouvernements mettent certaines données à la disposition du public. Voici quelques sources de données disponibles, parmi d’autres :

  • Registres des entreprises
  • Dossiers judiciaires
  • Registres de la propriété foncière et intellectuelle
  • Gazettes officielles. Elles sont publiques dans la plupart des administrations.
  • Extractions de bases de données publiques de sites web gouvernementaux ou d’ONG. (Veillez toutefois à consulter les lois de l’administration ou des entreprises qui hébergent les données, car certaines imposent des restrictions ou des conditions spéciales en matière d’exportation.)
  • Concessions minières. Même les pays opaques, tels que la RDC et le Burkina Faso publient des informations sur les mines via des systèmes qui gèrent les restrictions et les droits fonciers.
  • Mises à jour fournies par des fonctionnaires et des agents des forces de l’ordre via leurs réseaux sociaux, sites web et des voies officielles, comme l’exemple indiqué dans ce lien.
  • Organisations internationales comme les Nations Unies

Si une organisation ou un organisme public publie un chiffre (comme une statistique), il est possible d’accéder à un ensemble de données en demandant à consulter les données qui l’étayent.

Voici quelques exemples d’ensembles de données accessibles au public :

La base de données OffsetsDB de Carbonplan a pour objectif de simplifier les compensations et crédits carbone, et elle collecte des données provenant de cinq registres de compensation parmi les plus importants. Image : Capture d’écran, OffsetsDB

Le processus

Le data-journalisme ne se limite pas à la génération de graphiques et d’infographies. Il ne consiste pas non plus uniquement à traiter des données structurées dans des feuilles de calcul. Il exploite des données pour mettre au jour des informations dissimulées et étayer les enquêtes afin de créer des récits à fort impact.

Pour utiliser efficacement des données dans vos enquêtes, posez-vous d’abord les questions suivantes :

  1. Quelle est la nature de la source des données : où et comment sont-elles stockées ?
  2. Les données sont-elles structurées ou non structurées ?
  3. Quel est le sujet principal de l’enquête et dans quel format sera-t-il présenté ?
  4. Quelle est la capacité de mon équipe ?
  5. Quelles données sont disponibles ? S’il n’existe pas de données, puis-je les générer ?

Ensuite, ne perdez pas de temps : 

  • 1. Procurez-vous les données. Lorsque vous êtes certain qu’une idée vaut la peine d’être approfondie, l’étape suivante consiste à obtenir les données. Les journalistes se procurent des données en exploitant une fuite d’un ensemble de données ou de documents, en soumettant des demandes en vertu de la loi sur la liberté de l’information (Freedom of Information Act, FOIA), auprès de sources humaines, en programmant l’exportation de données à partir de documents ou de pages web ou en procédant à des extractions à partir de fichiers PDF et d’autres documents image. Ils les transforment ensuite en données structurées faciles à analyser.

Il arrive parfois que les journalistes doivent créer leur propre ensemble de données s’il n’existe pas déjà dans un format structuré, et ce, via des documents ou d’autres sources, par exemple.

  • 2. Comprenez la nature des données. Demandez qui les a créées. Autrement dit, identifiez la source des données, validez ses références et évaluez sa crédibilité. Lisez la documentation qui accompagne la source de données pour comprendre comment ces dernières ont été collectées. Déterminez également si les données proviennent d’un ensemble de données principal ou secondaire créé à partir d’autres sources de données. Identifiez le contenu des données (étudiez les variables, ce qu’elles représentent et le format dans lequel elles sont stockées). Déterminez si les données auxquelles vous avez accès représentent l’ensemble complet de données ou uniquement une portion.

Essayez ensuite de définir les questions auxquelles les données apportent des réponses. Identifiez les informations manquantes susceptibles d’être complétées par des sources de données supplémentaires. Renseignez-vous pour savoir s’il existe un autre ensemble de données qui vous permettrait d’améliorer celui dont vous disposez ou auquel vous pourriez le comparer.

  • 3. Vérifiez les données. Assurez-vous que les données dont vous disposez sont authentiques et peuvent être validées. Vous pouvez vérifier des données en les recoupant avec d’autres ensembles de données, en consultant d’autres documents et en discutant avec des experts. Plus tard, alors que l’enquête progresse, les journalistes doivent contacter les personnes ou entités mentionnées dans les ensembles de données pour leur demander leur avis et vérifier les données.

Les problèmes auxquels vous risquez de vous heurter en travaillant avec des données sont liés à leur exactitude, leur exhaustivité et leur cohérence. Vous devez impérativement vous assurer qu’aucun problème n’affecte les données et qu’elles sont authentiques, à jour ou complètes. Votre enquête risquerait sinon de reposer sur un château de cartes.

  • 4. Documentez et protégez les données. Si vous finissez par restructurer les données, n’oubliez pas de créer un fichier LISEZMOI, à savoir un document d’instructions, sur les données et la méthodologie que vous avez appliquée. Consignez vos processus au fur et à mesure que vous traitez les données. Cela vous permettra de limiter les erreurs. Conservez un exemplaire des données d’origine pour pouvoir remonter à la source en cas d’erreur.

Identifiez également les personnes qui interviennent dans le traitement des données. Selon le caractère confidentiel des données, vous devez désigner des personnes autorisées à y accéder et imposer des restrictions de partage. Vous pouvez stocker les données dans des dossiers, sur Google Drive, sur une clé USB (si elles ne peuvent pas être stockées sur Internet en raison de leur caractère confidentiel), dans des bases de données, notamment des bases de données SQL que vous pouvez partager, ou utiliser des outils avancés comme Aleph, Datashare, NINA, etc.

NINA, plateforme de données du Centre latino-américain de journalisme d’investigation (CLIP). Elle connecte des bases de données ouvertes pour simplifier la recherche de connexions entre des entreprises et des personnes engagées sous contrat par des gouvernements d’Amérique latine. Image : Capture d’écran, NINA

Pour faciliter la collaboration, le projet Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) partagent habituellement des données avec tous les journalistes travaillant sur un projet. Toutefois, ces organisations imposent des protocoles stricts déterminant qui peut accéder à un ensemble de données afin d’éviter d’exposer les sources ou les journalistes à des risques, tout en garantissant aux personnes autorisées un accès à toutes les informations et au contexte nécessaires pour comprendre parfaitement les ensembles de données. Autrement dit, partagez les données uniquement avec des personnes qui doivent pouvoir y accéder.

  • 5. Analysez les données pour en extraire des informations. Lorsque vous avez compris les données et que vous les avez partagées avec vos collaborateurs, c’est le moment de voir ce qu’elles peuvent vous offrir. Traitez toujours les données comme s’il s’agissait de sources humaines, en les interviewant. Demandez-vous quelles sont les questions auxquelles les données peuvent apporter une réponse et documentez le processus vous permettant d’obtenir ces réponses :

Tenez un journal de données des étapes qui vous ont permis d’obtenir une valeur ou une information. Cela vous sera utile à l’étape de fact-checking ou si des rédacteurs en chef, ou des avocats, vous posent des questions.

Faites également appel à des processus d’auto-référencement et reproductibles pour répondre à des questions ultérieurement. Il peut s’agir de formules Excel vous évitant d’avoir à copier et coller des données, de codes de programmation, d’un référentiel GitHub ou d’autres méthodes permettant d’assurer le suivi du travail effectué.

Consignez vos conclusions de telle sorte que vous et les autres membres de l’équipe puissiez les comprendre facilement. Développez des méthodes systématiques de stockage de vos calculs, via des feuilles de calcul, des tableaux de bord, du code Python ou une page wiki, par exemple.

Dans le cadre de l’analyse, il est possible de recouper les informations avec d’autres ensembles de données. Par exemple, pendant la collaboration entre l’ICIJ et plus de 150 partenaires médias, le recoupement de données provenant d’entités enregistrées dans des juridictions offshore publiées dans les Pandora Papers avec des données provenant de registres fonciers au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis (Californie, Miami et d’autres États) a permis de découvrir de nombreuses propriétés appartenant secrètement à des personnalités politiques et publiques.

  • 6. Vérifiez vos conclusions en continuant à enquêter. Pour que les conclusions soient fondées, vous devez vérifier l’analyse des données. Vous devez les réviser en les comparant aux lois et réglementations disponibles ou même à d’anciennes études et enquêtes. Discutez avec des experts et vérifiez votre analyse avec vos collègues.

Posez-vous ensuite les questions suivantes :

  • Est-ce que les données exposent des malversations (blanchiment d’argent, corruption, fraude fiscale, infractions environnementales ou d’autres crimes) ?
  • Est-ce que la validité des données fait le moindre doute ?
  • Est-ce que les données contiennent de nouvelles informations ?
  • Est-ce que les données permettent de mieux comprendre un problème systémique ?
  • Existe-t-il dans les données une valeur aberrante surprenante qui pourrait faire l’objet d’une enquête importante ?

Pour terminer, et comme on le dit, “si vous torturez les données assez longtemps, elles vous diront éventuellement tout ce que vous voulez”. Il est possible de manipuler des statistiques pour soutenir n’importe quelle conclusion. Nous déconseillons fortement cette pratique.

  1.   Préparez-vous à la publication. Une fois l’analyse terminée, prévoyez du temps pour vérifier les faits résultant du travail réalisé avec les données, écrivez l’article et vérifiez que les données sont présentées dans le contexte adapté. Tout comme avec les autres enquêtes, planifiez un examen juridique et allouez du temps pour la production. Prévoyez-vous de publier une visualisation ou une présentation interactive de votre enquête ? Précisez-le également dans votre plan.

Des données à l’enquête

Une enquête data peut démarrer de la même façon que toute autre enquête, notamment au cours de recherches menées dans le cadre d’une enquête différente, d’une fuite ou même d’un simple constat. Parfois, certains problèmes d’intérêt public entraînent également la génération de données pouvant servir de base à des enquêtes.

Dans ces cas, ce sont souvent les données qui alimentent les enquêtes.

Toutefois, même si en combinant les enquêtes data et le journalisme traditionnel il est possible de produire d’excellents résultats, il ne faut pas oublier le facteur humain et l’intérêt public. Quel intérêt l’enquête présente-t-elle pour le public ? Quel problème systémique dévoile-t-elle ? Qui est affecté par ce problème ?

Des données à l’enquête : liste de vérification

  • 1. Identifiez l’angle de votre enquête. Après avoir analysé les données, vous risquez d’être dépassé par les résultats qui peuvent présenter une profusion de pistes intéressantes. C’est en réfléchissant au pitch que vous pourrez identifier le meilleur angle. Si vous êtes toujours incertain, discutez avec vos collègues et vos rédacteurs en chef. Un regard neuf, également source de commentaires intéressants, pourra vous aider à choisir le meilleur angle ou à en créer un nouveau.
  • 2. Story-board et planification d’enquête. N’oubliez pas que les lecteurs ne raffolent pas toujours des données brutes. Ainsi, pour que les données soient comprises, préparez soigneusement une narration et une présentation visuelle créatives. En établissant des correspondances entre les conclusions dans un story-board, vous pouvez organiser et définir les aspects d’une enquête bien ficelée, à savoir les participants, le conflit, l’intrigue, la structure, etc. Quelle question intéressante émerge de vos principales conclusions ? Présentez-la clairement.
  • 3. Rédigez le pitch. Présentez l’enchaînement des données pour que les lecteurs, notamment les rédacteurs en chef, le comprennent et soient sur la même longueur d’onde.
  • 4. Préparez votre enquête à partir des données. N’oubliez pas que les enquêtes data percutantes sont le fruit d’enquêtes bien menées. Voici un exemple qui illustre une enquête réalisée à partir de données : Imaginez que vous analysez des projets immobiliers dans votre pays en vous intéressant particulièrement à l’investissement du gouvernement et aux entreprises sous-traitées pour la construction des logements. Alors que vous visitez les sites des projets immobiliers, en vous fiant aux données disponibles, vous constatez qu’il n’existe aucun bâtiment. Dans ce cas, c’est le décalage entre ce qu’indiquent les données et ce qui se passe sur le terrain qui devient un sujet d’enquête.
  • 5. Écrivez l’article. La plus grande difficulté que présentent les enquêtes data est que vous devez communiquer les conclusions via des récits cohérents et intéressants. Pour vous faciliter la tâche, vous pouvez exposer les grandes lignes de l’enquête ou la présenter sous forme de diagramme avant de commencer à écrire.
  • 6. Clarifications, visualisations et téléchargements de données : Avant de publier votre enquête, demandez-vous si certaines données peuvent être mises à la disposition du public ou communiquées aux lecteurs pour leur permettre de mieux comprendre le sujet traité. Vous pouvez les présenter via un graphique interactif à partir duquel les lecteurs ont éventuellement la possibilité de télécharger les données. Pensez également à rédiger un document annexe sur votre méthodologie, qui explique la nature des données et la façon dont elles ont été traitées.

N’oubliez pas que les lecteurs ne raffolent pas toujours des données brutes. Ainsi, pour que les données soient comprises, préparez soigneusement une narration et une présentation visuelle créatives.

Les enquêtes data ont l’avantage de vous permettre de communiquer les données par divers moyens. Les résultats peuvent notamment être présentés sous la forme d’un tweet, d’une publication TikTok ou via une infographie ou une vidéo. Les rédactions font souvent appel à plusieurs méthodes pour les associer aux enquêtes imprimées ou vidéo.

Les visualisations des données peuvent faciliter le déroulement de l’enquête et également constituer le produit final.

Pour terminer, optimisez ce processus en impliquant des graphistes et d’autres équipes à un stade précoce. S’ils interviennent plus tard, ils n’auront pas suffisamment de temps pour présenter au mieux les données visuelles.

Autres points à prendre en compte

Fact-checking

Lorsque vous travaillez avec des données, réservez du temps pour le fact-checking :

  • Si des données ont été saisies manuellement dans une feuille de calcul, vérifiez qu’elles sont correctes. Si vous disposez de suffisamment de ressources, demandez à des personnes n’ayant pas participé au traitement des données de vérifier les données saisies. Selon leur complexité, vous pouvez prévoir deux à trois phases de vérification.
  • Si quelqu’un a analysé les données, réanalysez-les pour vous assurer que vous obtenez les mêmes résultats. Dans ce cas, c’est une autre personne qui doit les réanalyser et procéder au fact-checking.
  • Prévoyez du temps pour vérifier la présentation des résultats de l’analyse dans l’enquête, et dans le contexte voulu. Vérifiez également les visualisations et les éléments interactifs pour vous assurer qu’ils reflètent les informations et les résultats de l’analyse des données.

N’oubliez pas qu’en garantissant la fiabilité à toute épreuve des données, vous garantissez également celle de l’enquête publiée.

Travail collaboratif avec les données

Toute opération impliquant des données peut nécessiter un ou une data-journaliste ou une équipe chargée du traitement des données. Dans bien des cas, le travail effectué sur un ensemble de données demande l’intervention de plusieurs personnes, selon l’ampleur des données et les ressources de l’organisation.

Lorsque vous communiquez des données à d’autres organisations ou même à vos collègues en interne, n’oubliez pas d’en indiquer la provenance et les limites en expliquant comment elles ont été analysées.

Les équipes chargées du traitement des données peuvent également présenter des compétences mixtes et compter, au sein d’une même équipe, des experts en matière de recherche et d’analyse des données, ainsi que des développeurs. Lorsque l’échelle des données, ainsi que leur structure et leur format, sont complexes, l’intervention d’une équipe multidisciplinaire peut être très bénéfique et contribuer favorablement à l’avancement du travail.

Les enquêtes impliquant l’utilisation d’ensembles volumineux de données peuvent donc nécessiter un travail d’équipe qui regroupe des reporters, des data-journalistes, des chercheurs, des personnes chargées du fact-checking, des producteurs en ligne, des rédacteurs en chef et des intervenants sans formation journalistique.

Par exemple, les ingénieurs peuvent développer des outils qui répondent aux besoins des journalistes, ainsi que des modèles d’apprentissage automatique qui passent au crible des millions d’enregistrements, utiliser la technologie au service des journalistes et faciliter le traitement de millions d’enregistrements.

Les données peuvent également avoir un impact considérable dans le cadre de collaborations internationales, car elles permettent de connecter les journalistes de différents pays pendant qu’ils travaillent ensemble.

Toutefois, il est parfois nécessaire de solliciter l’aide d’organisations qui intègrent des équipes plus importantes et plus expérimentées de spécialistes du traitement des données. C’est pourquoi les journalistes ou les équipes peuvent envisager de collaborer avec des organisations comme ICIJ, OCCRP, Pulitzer Center ou Lighthouse Reports, ou travailler en partenariat avec une université dotée d’un département des sciences informatiques. En effet, dans ces organisations, les équipes dédiées aux données sont plus importantes que celles de la plupart des rédactions qui ne comptent qu’un ou deux spécialistes des données.

Enfin, lorsque vous collaborez avec des équipes interdisciplinaires, il est essentiel que ces dernières communiquent entre elles tout au long du processus, pour s’assurer que tout le monde est sur la même longueur d’onde et comprend bien les objectifs du projet, ainsi que les moyens d’y parvenir.

Boîte à outils

Novice en matière de données ? Voici certains cours et outils susceptibles de vous intéresser :

Vous pouvez également vous former durant des conférences sur le journalisme d’investigation organisées de par le monde, notamment les conférences GIJC de GIJN, Dataharvest, la conférence africaine sur le journalisme d’investigation (AIJC), la conférence latino-américaine COLPIN, la conférence du forum annuel d’ARIJ ou le programme NICAR de l’organisation IRE, entre autres.

Études de cas

Captured — Africa Uncensored

Cette série a exploré des cas de corruption au Kenya liés à “des acquisitions frauduleuses et à des appels d’offres douteux au sein du gouvernement et des agences gouvernementales”. Le projet a passé en revue des informations sur des acquisitions publiques et a examiné de près des connexions impliquant des fonctionnaires ou d’autres parties prenantes qui, via plusieurs entreprises, ont bénéficié d’avantages durant les processus d’appels d’offres.

Agents of Secrecy — Finance Uncovered, BBC, Seychelles Broadcasting Corporation

Cette enquête est le fruit d’une collaboration entre des journalistes qui ont analysé des données publiques sur des entreprises au Royaume-Uni, ainsi que des milliers de documents divulgués, pour retrouver la trace “des cerveaux et sbires associés à certaines des agences de secrets professionnels affiliées à la Russie parmi les plus actives”. L’enquête s’est intéressée à l’exploitation d’entreprises anonymes au Royaume-Uni par des responsables d’opérations de blanchiment de capitaux de diverses régions de l’ex-Union soviétique.

Inside the Suspicion Machine — Lighthouse Reports, WIRED, Vers Beton, Open Rotterdam

“Pendant deux ans, Lighthouse Reports a recherché activement la trinité de la redevabilité algorithmique, à savoir les données d’entraînement, le fichier de modèle et le code d’un système utilisé par une agence gouvernementale pour automatiser l’évaluation des risques pour les citoyens souhaitant bénéficier de services gouvernementaux.” Après avoir obtenu ce qu’elle recherchait, l’équipe a analysé l’algorithme d’évaluation des risques et découvert qu’il ciblait les personnes en fonction de leur langue maternelle, de leur sexe et de leurs choix vestimentaires.

Pandora Papers – ICIJ et 150 partenaires médias

Pendant près de deux ans, des reporters se sont plongés dans plus de 11,5 millions d’enregistrements aux formats variés liés à 14 fournisseurs de services offshore, pour publier des enquêtes exposant un “système financier fictif au service des personnes les plus riches et les plus puissantes au monde”, tout en citant des noms. Ils ont procédé en combinant des techniques d’enquête traditionnelles et une analyse avancée des données. L’équipe a utilisé Datashare pour traiter et partager les fichiers en toute sécurité avec plus de 600 reporters de par le monde. Elle a fait appel à divers outils et approches pour analyser les données, notamment l’apprentissage automatique, des langages de programmation comme Python, le traitement manuel des données et des bases de données graphes (neo4j et Linkurious).


Purity Mukami est une statisticienne devenue data-journaliste. Pendant sept ans, grâce à ses compétences en matière de données, elle a contribué à des enquêtes et des projets tels que FinCENFiles, Pandora Papers, Agent of Secrecy et Captured, entre autres. Elle a travaillé pour Africa Uncensored, BBC Africa Eye, Finance Uncovered, et occupe actuellement le poste de data-journaliste pour l’Afrique dans le cadre du projet OCCRP. Elle a collaboré avec diverses autres organisations enquêtant sur la corruption, suivant la piste de l’argent et détectant les instances de désinformation pendant les élections.

Emilia Díaz-Struck est directrice exécutive du Réseau international de journalisme d’investigation. Elle était auparavant rédactrice en chef des données et de la recherche et coordinatrice pour l’Amérique latine au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Pendant plus d’une décennie, Mme Díaz-Struck a participé à plus de 20 collaborations d’enquête primées par l’ICIJ, notamment : Offshore Leaks, Implant Files, FinCEN Files, Pandora Papers et les Panama Papers, récompensés par un prix Pulitzer. Elle a été pionnière en matière de data-journalisme et de collaborations d’investigation dans son pays natal, le Venezuela, et a servi de mentor à des centaines de reporters latino-américains. Emilia a enseigné des séminaires d’été sur le data-journalisme et les collaborations transfrontalières d’investigation à l’université Columbia de New York. Elle a été professeure à l’Université centrale du Venezuela et collaboratrice du Washington Post, du magazine Poder y Negocios, des médias vénézuéliens El Universal, El Mundo et Armando.info, qu’elle a cofondé.

 

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