Guide à l’usage des journalistes d’investigation en période électorale : les derniers outils de recherche open source
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Les rendez-vous électoraux ne manquent pas en cette année 2024. Dans ce volet du Guide à l’usage des journalistes d’investigation en période électorale, vous découvrirez les nouvelles méthodes, les derniers outils open source, ainsi que des études de cas pour creuser vos sujets lors de ce moment essentiel de la vie politique et citoyenne et identifier les individus derrière les sites de campagne dangereux ou haineux.
Note de la rédaction : ce guide a été mis à jour pour la période électorale 2024. La version originale du texte, parue en 2022, est disponible ici.
En 2024, les journalistes qui enquêtent sur des élections se doivent d’adopter un nouvel état d’esprit : ne jamais sous-estimer les méthodes que les politiques et leurs alliés s’autorisent à déployer pour tromper les électeurs ou faire taire les critiques.
Lors de la 13e Conférence mondiale sur le journalisme d’investigation (#GIJC23), qui s’est tenue en Suède en septembre 2023, Vinod K. Jose, ancien rédacteur en chef du magazine indien Caravan, cite l’assassinat d’un militant sikh au Canada l’an dernier – un assassinat qu’aurait commandité le gouvernement indien.
« Je ne pense pas qu’une chose pareille se serait produite il y a 10 ou 15 ans », poursuit Vinod Jose. “Cela témoigne de l’assurance que confèrent aux autocrates les agissements de leurs pairs.”
Au Brésil, les partisans du président sortant Jair Bolsonaro ont organisé une insurrection violente dans la capitale début 2023, en écho à la prise d’assaut du Capitole aux Etats-Unis, le 6 janvier 2021, par des partisans de Donald Trump. Les insurgés ont été encouragés par leur président respectif, alors même que les États-Unis et le Brésil sont deux des plus importantes démocraties du continent américain.
Ces tendances alarmantes dépassent le cadre d’actes de démagogie ponctuels. Certaines des plus grandes démocraties du monde sont menacées par une politique populiste marquée soit par un régime dominé par une minorité, soit au contraire par un régime majoritaire dans lequel les droits des minorités sont écrasés par les partis nationalistes au pouvoir.
Lors de ce même panel du GIJC23, le journaliste David Cay Johnston, lauréat du prix Pulitzer, déclare que – parallèlement à leurs reportages sur les campagnes électorales – les journalistes d’investigation devraient enquêter activement sur ceux qui érodent discrètement les droits des citoyens. Ces protagonistes sont selon lui des « termites » qui rongent les fondements mêmes de la démocratie.
Ainsi, David Cay Johnston s’interroge : « Comment une minorité peut-elle s’octroyer tout le pouvoir ? En rendant plus difficile pour les partisans de la majorité de s’inscrire sur les listes électorales, voire ne pas prendre en compte leurs bulletins de vote. En nommant des personnes à des postes administratifs clés bien que peu attractifs. En contrôlant le découpage électoral.
« Ces informations ne font pas souvent la une des journaux, mais les journalistes d’investigation doivent s’y intéresser », poursuit-il.
Le champ des outils d’enquête électorale
Dans ce chapitre, nous partageons quelques stratégies trop souvent négligées d’enquête en période électorale, ainsi que quelques outils en sources ouvertes incontournables et une technique efficace pour identifier les individus qui se cachent derrière les sites de campagne dangereux ou haineux. Ces ressources incluent les contributions passées d’experts, dont Jane Lytvynenko – une enquêtrice de premier plan sur les groupes politiques extrémistes – et Craig Silverman, spécialiste en désinformation de la presse au sein de la rédaction de ProPublica.
Étant donné que les règles électorales, les libertés civiques et les canaux d’information dominants diffèrent dans chacun des plus de 150 pays qui organisent des élections, il n’existe pas d’outil ou de technique d’enquête unique qui soit efficace partout et tout le temps. Mais il existe un petit groupe d’outils et de méthodes d’investigation polyvalents qui ont fait leurs preuves et sont remarquablement efficaces dans de nombreux pays, voire la plupart.
Voici quatre exemples de techniques d’enquête électorale qui ne nécessitent aucune compétence informatique avancée :
- La recherche booléenne. Quel que soit leur niveau de compétences numériques, des journalistes d’investigation de talent s’appuient sur la méthode de recherche booléenne de Google pour concentrer la puissance de recherche de données du moteur américain – soit avec des combinaisons d’opérateurs de recherche établis, soit avec des méthodes de recherche avancée sur Google (ce qu’on appelle communément “Google hacking” ou “Google dorking”). Par exemple : si vous souhaitez en savoir davantage sur d’éventuels liens qu’aurait entretenu un candidat avec un criminel ou une personne sanctionnée et que vous disposez de peu de temps pour le faire, saisissez la séquence suivante : « nom du candidat » « AROUND(18) » « nom du criminel » – dans la barre de recherche de Google. Le moteur recherchera alors les documents dans lesquels ces deux noms apparaissent dans la même phrase. Une autre technique étonnamment puissante pour identifier les responsables de la désinformation politique est « l’astuce d’exclusion » : vous pouvez coller l’URL d’une publication, puis exclure des réseaux sociaux entiers avec un signe moins, comme : « -site:youtube.com » ou « -site:Instagram.com« pour voir où, et quand, une vidéo problématique liée aux élections est apparue pour la première fois.
- « L’astuce du gérant de magasin« pour enquêter sur les violences politiques. Sur Google Maps, focalisez-vous sur un lieu en zone urbaine qui a connu une attaque politique violente ; appelez les magasins situés à proximité ; puis demandez aux gérants de ces magasins d’abord leur adresse e-mail, puis les vidéos enregistrées par leurs caméras de surveillance. Beaucoup d’entre eux, peut-être même la plupart, refuseront dans un premier temps de partager ces images. Mais des journalistes politiques chevronnés conseillent, peu de temps après, à envoyer une copie de votre premier récit de l’incident à ces commerçants par courrier électronique puis leur demander à nouveau ces images de vidéosurveillance. Dans de nombreux cas, les gérants changent d’avis après avoir constaté votre impartialité en tant que journaliste.
- Le moyen le plus simple de vérifier les campagnes d’influence cachées : effectuer une recherche par copier-coller. Si vous rencontrez un site lié aux élections avec un contenu problématique ou incendiaire – mais aucune information sur le propriétaire du site – copiez simplement n’importe quel morceau de texte de la page d’accueil dans la barre de recherche Google et voyez si ce contenu, ou un contenu semblable, apparaît sur d’autres sites. Si vous trouvez des blocs de texte similaires ailleurs, cela pourrait indiquer une discrète campagne d’influence coordonnée, et également pointer vers le propriétaire ou la campagne politique qui se cache derrière le site d’origine. (Faites également attention aux logos et aux mises en page similaires, qui pourraient indiquer l’intervention du même concepteur Web.)
- L’astuce du « géocodage« pour suivre les incidents de campagne. La collecte automatique de publications sur les réseaux sociaux depuis un emplacement unique et ciblé dans l’outil TweetDeck s’est avérée un moyen efficace d’enquêter sur les incidents politiques de ces dernières années. Malheureusement, des changements plus récents chez X (anciennement Twitter) signifient que l’accès à TweetDeck (renommé « X Pro ») est réservé aux abonnés payants. Mais il fonctionne toujours bien pour canaliser les vidéos et les publications d’une manifestation ou d’un rassemblement en temps réel. Les journalistes peuvent également l’utiliser pour identifier les responsables ou vérifier les informations d’une campagne qui peut faussement imputer les violences aux victimes. Après avoir copié les coordonnées d’un incident à partir de la balise « Qu’est-ce qu’il y a ici » sur Google Maps, les journalistes peuvent coller cette chaîne à côté du terme « géocode : » dans TweetDeck, plus une zone donnée, pour canaliser toutes les publications et vidéos sur les réseaux sociaux vers une seule colonne. Les étapes sont décrites dans cette fiche explicative de Bellingcat. Pour ceux qui souhaitent éviter les outils d’X, essayez des outils alternatifs comme Hootsuite. (Remarque : si vous connaissez une meilleure option en sources ouvertes, faites-en part à hello@gijn.org et nous mettrons à jour ce chapitre.)
Voici quatre autres exemples d’outils polyvalents à destination des journalistes d’investigation :
- La base de données Aleph. Les journalistes ont réussi à enquêter sur les irrégularités financières liées aux élections dans différentes parties du monde grâce à la vaste base de données de fuites de documents Aleph de l’OCCRP. Cette ressource comprend désormais également une fonctionnalité de « référence croisée », permettant de rechercher dans des centaines d’autres bases de données sur Aleph les noms qui apparaissent dans vos propres fichiers.
- Junkipédia. Les journalistes étant de plus en plus méfiants envers le puissant outil d’analyse des réseaux sociaux de Facebook, CrowdTangle, un nouvel outil d’exploration remarquablement polyvalent appelé Junkipedia est rapidement devenu une plateforme incontournable pour suivre les campagnes de désinformation électorales et les publications et sites Web douteux. Il permet aux utilisateurs de créer des listes de comptes sur 12 réseaux sociaux différents, y compris des sites privilégiés par des groupes d’extrême droite, comme GETTR et Gab, ainsi que des sites majeurs comme TikTok, Facebook et Telegram.
- Psiphon, pour atteindre les citoyens opprimés. La plateforme canadienne Psiphon est l’un des nouveaux outils les plus innovants et les plus importants pour les citoyens de régimes autocratiques de ces dernières années. C’est un outil sophistiqué de contournement de la censure qui permet aux électeurs d’accéder discrètement à des informations indépendantes sur leurs droits et leurs dirigeants tout en restant à l’abri de représailles. Disponible sur les plateformes Android, Windows et iOS, Psiphon 3 utilise un logiciel gratuit et en sources ouvertes ainsi qu’une combinaison de serveurs sécurisés, de cryptage et de « technologies d’obscurcissement » pour camoufler les connexions et connecter les utilisateurs à des sites d’information bloqués dans leur pays. Les rédactions en exil et sous le feu des critiques peuvent envisager d’alerter leur public sur cette manière de s’informer sur les élections dans leur pays, car elle est plus sécurisée que les VPN traditionnels. Consultez le guide d’utilisation de Psiphon ici ou consultez ProtonVPN.
- Archiveur automatique Bellingcat. Puisque de plus en plus d’actes de violence ont lieu en période électorale, la préservation des preuves vidéo – auparavant un processus complexe – sera essentielle en 2024 et 2025. Pour faciliter ce travail, l’équipe technique de Bellingcat a développé un nouvel outil qui permet aux journalistes de simplement copier-coller l’URL d’une vidéo dans une feuille de calcul dédiée. Le système trouve alors automatiquement la meilleure stratégie de téléchargement et d’archivage pour chaque clip. (Voir les liens dans le « Top 10 des outils d’enquête de 2023 » de GIJN.)
Pourquoi les journalistes devraient étendre leurs recherches au-delà des cas d’activité illicite
Les défenseurs de la démocratie encouragent les journalistes d’investigation à identifier et à surveiller les méthodes mises en œuvre pour miner les processus démocratiques, et ce dès le début des campagnes électorales. Il s’agit non seulement de violations des droits de l’Homme et du droit électoral, mais aussi de l’utilisation partisane et abusive de lois dûment promulguées. Par exemple : en 2023, une enquête de ProPublica a révélé que six militants de droite dans l’État de Géorgie, aux Etats-Unis, avaient formellement contesté l’inscription aux listes électorales de 89 000 électeurs, en s’appuyant sur une nouvelle loi électorale. L’enquête a révélé que ce genre de démarche peut intimider et bloquer des milliers d’électeurs, qui doivent dépenser de l’argent et franchir des obstacles administratifs pour assister aux audiences et réfuter les affirmations frivoles d’un seul citoyen et ainsi rester inscrits sur leurs listes électorales.
Un récent rapport du Brennan Center for Justice, une organisation prodémocratie à but non lucratif, a par ailleurs révélé la menace posée par un nouvel outil pour limiter les votes appelé Eagle AI. Cet outil peut « préparer automatiquement » un grand nombre de contestations électorales en exploitant une approche partisane et imparfaite des données comme des règles électorales locales afin de fournir aux militants de mauvaise foi juste assez de « preuves » pour contester les droits fondamentaux de leurs concitoyens. (Le rapport Brennan a révélé que le simple fait de vivre dans une maison de retraite ou de publier sur les réseaux sociaux loin de chez soi peut être considéré comme une preuve de certaines irrégularités d’inscription aux listes électorales.)
Dans une interview accordée à GIJN, Josh Visnaw, chef de projet chez VoteFlare – un outil d’autonomisation des électeurs basé à la Kennedy School of Government de l’Université Harvard – explique que ce nouveau mécanisme privé de contestation des listes électorales aux États-Unis illustre un problème plus large auquel les journalistes de toutes les démocraties doivent faire face dans cette période de populisme croissant, de l’Europe à l’Afrique. Alors que les journalistes n’ont pas de mal à dénoncer des actions illégales – ou du moins des actes contraires à l’intention des lois – Josh Visnaw enjoint les journalistes d’enquêter et de dévoiler l’utilisation légale de mécanismes antidémocratiques.
Les sales coups qui inquiètent Josh Visnaw avant les élections américaines de 2024 vont de la purge massive des listes électorales aux menaces de poursuites judiciaires de la part des gouverneurs d’extrême droite. Sa plus grande préoccupation ? La contestation des listes électorales, telle que révélée par l’enquête de ProPublica.
« C’est similaire au doxxing – imaginez : n’importe qui peut contester le statut de votre inscription sur les listes électorales avec un outil automatisé, basé sur des données erronées « , s’insurge Josh Visnaw. « Je pourrais dire ‘Joe Smith, je ne pense pas que vous soyez correctement inscrit pour voter dans le Michigan, parce que, par exemple, j’ai entendu dire que vous aviez une maison en Floride.’ Cela entrave le système électoral. »
Quelques méthodes d’enquête électorale à envisager
- Trouvez des astuces et des bases de données locales grâce aux moniteurs citoyens
Les experts et les médias membres de GIJN qui se sont intéressés au journalisme électoral affirment que même s’il est essentiel d’employer des bases de données et des outils efficaces, la plupart des enquêtes conséquentes commencent par des sources humaines. Lanceurs d’alerte, professionnels des forces de l’ordre et de la société civile, responsables électoraux, personnel de campagne en bas de l’échelle, citoyens ordinaires soucieux de la santé de leur démocratie, tous peuvent vous apporter les informations clés pour lancer votre enquête.
Pat Merloe, directeur des programmes électoraux au sein du National Democratic Institute (NDI), financé par le gouvernement des Etats-Unis, affirme que des centaines de groupes d’observation électorale non politisés à travers le monde mettent à disposition des journalistes une multitude d’informations. La base de données pays par pays du NDI comprend 251 organisations dans 89 pays. Il affirme que ces groupes pourtant fiables constituent une ressource sous-employée par les médias indépendants. Selon lui, ces groupes peuvent guider les journalistes vers les règles électorales locales et les ensembles de données les plus à jour dont ils auront besoin pour évaluer à quel point les campagnes et leurs partisans sont dans les clous. À titre d’exemple, Pat Merloe cite le Groupe de surveillance des églises chrétiennes (CCMG) en Zambie, qui a déployé 1 108 observateurs lors de l’élection présidentielle partielle de 2021, ainsi que l’Alliance des jeunes avocats et l’ISFED (Société internationale pour des élections équitables) en Géorgie.
« Certains groupes peuvent s’intéresser à la violence électorale, d’autres à la désinformation ; tous se penchent sur des questions liées à l’intégrité des listes électorales, l’emplacement des bureaux de vote, les 10 choses à surveiller le jour de l’élection – ces sources valent la peine d’être interrogées », explique Pat Merloe.
- Faites comme si votre pays était une véritable démocratie, même si ce n’est pas le cas
Lorsqu’on couvre une élection dans un pays déjà en proie à un régime autoritaire, il peut être judicieux, dans la mesure du possible, de présenter ses reportages comme si le pays était une démocratie qui fonctionne. En d’autres termes, poursuivre même les affaires de corruption électorale qui n’aboutiront vraisemblablement à aucune arrestation, aucun licenciement, aucun changement dans l’enregistrement des votes, car, comme le souligne Lina Attalah, rédactrice en chef du site égyptien Mada Masr, cette approche aide à prévenir l’autocensure et à maintenir les attentes des électeurs en matière de probité publique.
- Collecte participative de preuves de fraude électorale
Si les conversations politiques en période électorale dans votre pays ont lieu avant tout sur des plateformes de messagerie non publiques comme WhatsApp – comme c’est courant en Afrique australe ou en Amérique latine – les experts recommandent aux rédactions de publier un numéro de téléphone où chacun pourra communiquer les informations dont ils disposent via WhatsApp et l’application Google Voice. Utilisez cette ressource pour inciter le public à signaler toute désinformation, tout fraude à l’inscription des électeurs ou toute intimidation. Les experts recommandent également aux rédactions concurrentes de collaborer et d’utiliser le même numéro de téléphone, travaillant ensemble pour révéler les comportements antidémocratiques et remonter ensuite jusqu’à leur source.
Cette technique peut également servir dans des démocraties établies, notamment pour enquêter sur les appels automatisés servant à propager de la désinformation. Retrouver qui se cache derrière des appels menaçant un contrôle fiscal des électeurs ou donnant aux minorités une fausse date pour la tenue du scrutin est, étonnamment, apparu comme l’un des problèmes techniques les plus difficiles auxquels sont confrontés les journalistes. Cependant, les experts conviennent que le crowdsourcing des données issues de ces appels est le meilleur point de départ.
- Essayez les recherches booléennes simples sur Google – et faites-le plusieurs fois
Comme mentionné ci-dessus : les astuces de recherche booléenne avancée et le « Google hacking »peuvent vous aider à limiter les recherches en ligne aux données dont vous avez besoin. Cependant, ce qui ressort de façon frappante des entretiens réalisés par GIJN avec des experts pour ce guide, c’est à quel point leurs recherches numériques ont tendance à être basiques, rapides et tâtonnantes. Par exemple, il arrive à Nancy Watzman – journaliste d’investigation et consultante pour le projet Cybersecurity for Democracy de l’Université de New York – d’effectuer des recherches sur Google pour détecter des complots visant à intimider des électeurs, la plupart du temps en utilisant simplement des mots-clés soigneusement réfléchis en alternance avec les termes de base ET et OU dans la même barre de recherche Google que nous utilisons tous.
- Voici un exemple de simples recherches Google mises en œuvre par Nancy Watzman. Après l’émeute du 6 janvier 2021 au Capitole des États-Unis, elle a utilisé une série de mots-clés couplés pour vérifier les menaces de violence lors de l’investiture du président Joe Biden le 20 janvier de la même année : « patriote » ET « manifestation » (OU « rassemblement » OU « 20 janvier » OU « 20 jan » OU « élection frauduleuse » OU « ashli babbit » OU « prise d’assaut »OU « capitale » OU « capitole » ) ainsi que « inauguration » ET « manifestation » (OU « rassemblement » OU « prise d’assaut » OU « fraude« ).
Selon Nancy Watzman, Google est un outil extrêmement puissant pour toute enquête en période électorale – si l’on prend en compte la façon dont le moteur de recherche et les personnes sur lesquelles nous enquêtons ont tendance à penser, et qu’on n’abandonne pas quand l’investigation prend du temps à porter ses fruits.
- Gérer les attentes des électeurs
Les journalistes d’investigation se doivent non seulement d’établir qui est responsable d’actes répréhensibles lors d’élections, mais aussi d’établir la légitimité des élections. Cela peut passer par des visualisations – avec d’excellents outils en sources ouvertes comme Flourish – pour contrer les fausses informations de fraude, favoriser la collaboration entre rédactions et expliquer aux électeurs ce qui est normal en matière de retards et d’erreurs dans le décompte des voix. Les experts recommandent également aux médias d’expliquer les objectifs de leurs enquêtes afin de lutter contre toute méfiance à l’égard du travail des journalistes dans des pays politiquement polarisés. Lynn Walsh, directrice adjointe de Trusting News, suggère aux journalistes d’intégrer des encadrés « Pourquoi/Comment nous avons mené notre enquête » dans chaque reportage en période électorale, voire de publier des vidéos dans lesquelles les journalistes expliquent leur démarche à la première personne.
Étude de cas : Comment l’outil UA/Pub (et la cupidité) peuvent révéler les discours de haine cachés et les réseaux de propagande
Le chercheur en ligne Craig Silverman a fait avancer la cause des élections justes en publiant son manuel de vérification complet et en informant de nombreux groupes de journalistes sur l’utilisation des nouveaux outils numériques, des États-Unis aux Philippines. Compte tenu de la menace mondiale posée par des sites Web suspects qui diffusent des thèses complotistes comme des messages de haine, une technique utilisée par Craig Silverman – connue sous le nom de « méthode UA/Pub » – mérite son propre traitement approfondi.
Cette technique présente deux avantages. Premièrement, malgré son code apparemment complexe, il ne nécessite en réalité aucune compétence avancée. Deuxièmement, elle se nourrit de l’avidité qui motive de nombreux acteurs de mauvaise foi en période électorale.
Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles des personnalités liées à telle ou telle élection, qu’il s’agisse du personnel de campagne, des lobbyistes ou des donateurs, pourraient vouloir cacher leurs liens avec certains sites web. Par exemple, ces sites pourraient contenir des discours de haine et de la désinformation, ou encore être en lien de manière illicite avec des puissances étrangères.
Sont-ils prêts à sacrifier l’identifiant de ces sites Web pour rester cachés ? Oui, et nombreux sont ceux qui paramètrent leur site de telle manière à supprimer leur nom. Mais sont-ils également prêts à sacrifier les revenus publicitaires générés par ces sites ? Probablement pas, raisonne Craig Silverman, ce qui permet aux journalistes d’investigation de traquer les personnes derrière des sites Web toxiques liés aux élections.
Comment fonctionne l’outil UA/Pub
- Les personnes derrière des millions de sites Web se sont inscrites au service gratuit Google AdSense, qui remplit ensuite automatiquement leurs sites avec des annonces. Pour recevoir des revenus de ces annonces, le propriétaire du site Web doit ajouter une chaîne de code AdSense unique au code source de son site, qui commence toujours par « Pub-« .
- Des millions de propriétaires de sites se sont également inscrits au service gratuit Google Analytics, qui leur montre la taille et l’origine de leur public. Pour recevoir ces données, ils doivent également ajouter un code simple et unique à tous les sites qu’ils contrôlent. Ce code commence toujours par « UA-« .
- Surtout, les propriétaires de sites utilisent généralement les mêmes balises d’identification, afin que Google sache à qui envoyer l’argent et les données générées.
- Les journalistes peuvent trouver les balises d’identification Pub ou UA dans le code source de n’importe quel site Web (voir les étapes ci-dessous) et les coller dans l’un des trois outils gratuits — BuiltWith , SpyOnWeb ou DNSlytics — et voir rapidement tous les autres sites qui utilisent les mêmes balises. L’étude des réseaux ainsi révélés peut mettre en lumière les individus qui se cachent derrière ces sites électoraux.
- Chose étonnante, la méthode UA/Pub fonctionne également avec des sites Web inactifs voire morts depuis longtemps. Ainsi, les journalistes peuvent potentiellement découvrir comment certains intervenants d’une campagne électorale ont pu disséminer de fausses informations lors d’élections précédentes, ou faire partie de différents réseaux de sites Web. Craig Silverman affirme que les journalistes qui ont préinstallé l’extension de navigateur Wayback Machinepeuvent automatiquement recevoir des messages contextuels lors de leurs recherches normales UA/Pub, vous alertant du fait que l’outil a archivé des copies d’anciens sites brassés par votre enquête. Vous pouvez ensuite effectuer la même méthode de recherche simple UA/Pub sur les pages archivées, pour rechercher les mêmes balises. « Il s’agit d’une méthode incroyable et pourtant très simple, » soutient Craig Silverman. « Cela vous le dit tout de suite, car vous avez installé l’extension, et vous pouvez ensuite faire la même chose avec le code source. »
« C’est la principale méthode que j’emploie pour connecter des sites Web entre eux », poursuit Craig Silverman. « Même si cela peut paraître technique, c’est très simple, et j’encourage vraiment les journalistes à s’entraîner sur les sites que vous rencontrez lors des élections. »
Il affirme que l’identifiant d’éditeur AdSense « Pub », en particulier, représente une indication forte que la même personne ou le même groupe se trouve derrière des sites qui n’ont en apparence rien à voir les uns avec les autres. « L’argent généré grâce aux publicités connectées à la même balise d’éditeur sur différents sites ira sur le même compte », explique-t-il. « Il est très peu probable que je place l’identifiant d’éditeur Google de quelqu’un d’autre sur mon site, car cette personne gagnera tout l’argent généré par l’affichage de publicités sur mon site. »
Comment trouver et utiliser les balises UA/Pub
- Faites un clic droit sur l’espace blanc de n’importe quelle page Web, puis cliquez sur « afficher le code source » ou « afficher la source de la page ».
Un extrait du code source d’une page Web, montrant la balise « UA- » utilisée par Google AdSense. Image : Capture d’écran
- Ne soyez pas intimidé par tout le code source qui apparaîtra ! Utilisez simplement Control-F – ou « Rechercher » dans le menu Edition – pour rechercher « UA- » ou « Pub- » sur la page de code source.
- Copiez l’intégralité de la balise que vous aurez trouvée, y compris UA ou Pub et les numéros qui suivent.
- Ouvrez DNSlytics.com et collez la balise copiée dans la barre de recherche. La recherche devrait renvoyer une liste cliquable de tous les autres domaines de sites Web ayant utilisé la même balise de revenus ou d’analyse. Remarque : cela peut inclure des sites aujourd’hui disparus qui utilisaient la balise dans le passé.
- Répétez la même procédure avec les outils SpyOnWeb et BuiltWith, car des résultats supplémentaires pourraient apparaitre, y compris sur des sites inactifs. Craig Silverman ajoute que BuiltWith fonctionne également uniquement avec l’URL du site Web sur lequel vous enquêtez, mais il encourage les journalistes à rechercher manuellement les numéros UA et Pub afin de vérifier la connexion unique entre les sites.
- Répétez la recherche UA/Pub sur les pages archivées que vous trouvez sur Wayback Machine.
- Confirmez ou développez vos résultats en déposant les URL que vous rencontrez dans Whoisology.com et DomainBigData.com et en recherchant dans l’historique disponible les informations obtenues lors de la recherche UA/Pub.
Remarque : Si vous connaissez un nouvel outil ou une base de données formidable qui peut aider les journalistes à enquêter sur les élections, n’hésitez pas à nous les transmettre par courriel à hello@gijn.org.
Traduit de l’anglais par Olivier Holmey.
Rowan Philp est journaliste au sein de la rédaction de GIJN. Il était précédemment grand reporter du journal sud-africain Sunday Times. En tant que correspondant étranger, il a couvert l’actualité politique, économique et militaire d’une vingtaine de pays.