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Fact Checking : apprenez à géolocaliser des photos en suivant ce compte Twitter

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Photo: @Quiztime / Marco Bereth

Une fois par jour, le compte Twitter @Quiztime publie une image. Cela peut être une rue vide, des collines ou un avion garé sur une piste. C’est généralement une photo, parfois une vidéo, mais toujours teintée de mystère. Et c’est là tout l’essentiel : en cherchant des indices dans l’image, les joueurs de ce quiz, qui pour la plupart sont journalistes, tentent de déterminer avec exactitude l’endroit du monde dans lequel la photo a été prise.

Quiztime a commencé en 2017 lorsque la journaliste allemande Julia Bayer a publié une photo sur son compte Twitter montrant un carrefour sous la pluie à Cologne et a posé une question : « Où suis-je ? Trouvez le lieu exact ». Elle a fait cela pour ses étudiants dans le cadre d’un cours qu’elle préparait, mais soudain, elle a vu ses mentions Twitter exploser. Ses followers avaient commencé à essayer de relever le défi.

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« Au début, je pensais : « oh non, les élèves de ma classe pourraient voir la réponse ! » se souvient-elle. « Mais c’était vraiment amusant de voir les gens commencer à travailler ensemble sur ce défi, et j’ai pensé, pourquoi ne pas continuer ? »

Julia Bayer a commencé à poster un quiz tous les lundis et a très vite invité certains joueurs à prendre le relais les autres jours de la semaine. Aujourd’hui, les quizmasters principaux comptent plusieurs journalistes allemands, un journaliste d’investigation pour Bellingcat et un expert OSINT. Tous les dimanches, les membres du public peuvent poster leur propre quiz et le bot de Quiztime le relaie à la communauté.

« Je voyage beaucoup et j’ai toujours les yeux ouverts pour des photos que je pourrais prendre et garder sous la main pour les prochains quiz », a déclaré Julia Bayer. « Je vais voir la lumière du soleil frapper un bâtiment en particulier et penser : je demanderai aux joueurs à quelle heure j’ai pris la photo. Je pourrais aussi laisser des indices, par exemple en publiant sur mon compte Instagram quelque chose qui leur permettrait de faire le lien avec le quiz ».

Julia Bayer explique que les joueurs sont généralement un mélange de journalistes et d’experts OSINT cherchant à perfectionner leurs compétences en matière de géolocalisation et de vérification, ainsi que des personnes simplement curieuses et qui aiment résoudre des énigmes.

Voici comment Quiztime fonctionne : le quizmaster tweete une photo, qu’il a généralement prise lui-même, avec une ou plusieurs questions. Parfois, c’est aussi simple que de demander le lieu, la date et l’heure. Cependant, les questions deviennent souvent plus élaborées et créatives. Les membres de l’équipe de base de quizzers sont toujours taggués pour pouvoir aider les autres.

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Les joueurs qui souhaitent échanger pour résoudre le défi ensemble peuvent « répondre à tous ». Ils peuvent, par exemple, rechercher le logo d’un magasin, identifier une tour au loin ou examiner l’angle des ombres. Généralement, il ne s’agit pas d’un indice, mais plutôt d’une combinaison d’indices qui les mènera à la bonne réponse. En cours de route, le quizmaster interagit souvent avec les joueurs pour leur dire s’ils sont sur la bonne voie.

Screenshot / Twitter

Mohamed Kassab, un journaliste égyptien qui joue à Quiztime depuis le début, explique que lui et les autres joueurs utilisent toutes sortes d’outils en ligne, tels que Google Images (ou de plus en plus Yandex) pour les recherches d’images inversées, Suncalc pour calculer l’heure de la journée, etc. – mais il explique que les outils ne font pas tout le travail.

« La technique est beaucoup plus importante que les outils », déclare-t-il. « Beaucoup de gens connaissent les outils, mais peu de gens savent comment bien les utiliser. Et quand un outil ne fonctionne pas, comment pouvez-vous réussir à trouver la réponse ? Par la pratique et en faisant appel à toutes vos connaissances accumulées, vous commencez à repérer des indices et des chemins que vous n’auriez jamais vus auparavant ».

Mohamed Kassab utilise maintenant ce qu’il a appris pour former d’autres journalistes en Égypte et au Moyen-Orient. Il ajoute que ces compétences sont indispensables pour que les journalistes de la région puissent vérifier des vidéos et mettre en exergue des incohérences qui peuvent parfois figurer sur des images qui circulent avec de fausses informations.

« Il y a un vrai esprit de collaboration et d’entraide avec Quiztime », déclare-t-il. « J’ai tellement appris en interagissant avec les quizmasters et les joueurs réguliers, qui sont très généreux en partageant leurs connaissances ».

La journaliste polonaise Beata Biel est une autre habituée. Elle a remarqué qu’avec Quiztime, il n’existait que rarement un seul chemin vers la réponse.

« Il y avait un quiz pour lequel j’ai fait une recherche par mots clés assez surprenante, « rocher qui ressemble à l’arrière train d’un éléphant », et j’ai obtenu un meilleur résultat que les joueurs qui utilisaient des requêtes plus élégantes comme « rocher avec une fissure » », a déclaré Beata Biel. « Et dans d’autres cas, j’ai trouvé la réponse à l’aide de recherche par mots clés tandis que d’autres l’ont trouvée à l’aide d’une recherche d’image inversée. Je trouve donc qu’observer l’approche que les autres adoptent peut être vraiment intéressant ».

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Pour Beata Biel, Quiztime consiste à entraîner son cerveau de manière utile : « Je pourrais jouer au Sudoku, mais cela ne me permettrait pas d’acquérir des compétences supplémentaires que je pourrais utiliser dans mon travail journalistique ».

« Les quiz ont renforcé ma conviction que vous pouvez faire beaucoup de bonnes choses avec ce genre de compétences »

Elle cite, à titre d’exemple, une enquête publiée par BBC Africa Eye qui portait sur le meurtre de deux femmes et de deux jeunes enfants par des soldats camerounais. En analysant des images de la scène, qualifiées de « fake news » par le gouvernement camerounais, les journalistes ont établi le lieu de l’assassinat et qui était responsable. Ils ont examiné des indices tels que le contour des montagnes au loin et l’angle des ombres. Au cours de leur enquête, ils ont été aidés par un certain nombre de « détectives » sur Twitter, notamment des membres de Bellingcat et des joueurs réguliers de Quiztime.

« Un de mes amis m’a demandé : « Pourquoi est-ce que tu essayes de savoir où cette vidéo a été tournée ? Tu n’as jamais été au Cameroun » », déclare Béata Biel. « Et c’était vrai. Mais je savais aussi qu’il était possible de découvrir beaucoup de choses grâce à divers indices visibles dans une vidéo, même en utilisant les outils numériques gratuits les plus simples. Les quiz ont renforcé ma conviction que vous pouvez faire beaucoup de bonnes choses avec ce genre de compétences. »

Bien que ces compétences soient souvent utilisées pour documenter des violations des droits de l’Homme, Quiztime lui-même ne consiste en aucun cas à enquêter sur des images violentes ou traumatisantes. Ceci, dit Julia Bayer, est inhérent au projet.

« Certains d’entre nous travaillent dans l’actualité quotidienne, ce qui peut être épuisant, nous voulons donc que ce soit un divertissement », renchérit Julia Bayer. « Je pense que c’est aussi ce que nos utilisateurs apprécient : ils peuvent être sûrs de ne pas trouver d’images traumatisantes ici ».

Quiztime est ouvert à tous ceux qui veulent y participer. Tout ce dont vous avez besoin est un compte Twitter. Beata Biel a quelques derniers conseils :

« Même si vous êtes trop timide pour suggérer votre réponse publiquement, vous pouvez la garder pour vous et regarder comment d’autres personnes ont essayé de trouver la solution. Vous constaterez que ces compétences peuvent vous être utiles très rapidement, comme par exemple lorsqu’une source vous envoie une photo ou que vous voyez une photo en ligne et que vous devez vérifier où elle a été prise ».

Autres lectures et études de cas du blog Quiztime :

« Quiztime : celui qui m’a fait démarrer » « Shadows and Suncalc : calculer l’heure à l’aide d’indices dans une photo » « Comparer la même géolocalisation sur différents services de carte » « Comment géolocaliser des lieux à partir d’anciennes sources en utilisant l’OSINT – Etude de cas »

Merci à Méta-Media d’avoir traduit cet article en français.

Gaelle Faure est la rédactrice en chef adjointe de GIJN. Auparavant, elle a travaillé pour France 24 où s’est spécialisée dans les investigations en ligne et la vérification d’images. Elle a aussi travaillé pour News Deeply et pour Time Magazine. 

Ce travail est sous licence (Creative Commons) Licence Creative Commons Attribution-NonCommercial 4.0 International

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