Ressources pour enquêter sur les réseaux de traite humaine
Conseils de Pros a été créé par GIJN pour relayer des conseils méthodologiques spécifiquement pour les journalistes francophones. Si vous avez une idée d’article sur des techniques ou ressources pour enquêter, écrivez-moi à marthe.rubio@gijn.org.
La journaliste Leïla Miñano a publié une enquête chez Mediapart dans laquelle elle révèle que des centaines de mineurs vietnamiens ont disparu en arrivant en Europe et sont probablement devenus la proie de trafiquants en lien avec le crime organisé. Lors de notre dernier webinaire, elle a partagé ces conseils pour enquêter sur les réseaux de traite humaine.
Penser global
« Le trafic d’enfant et le crime organisé n’ont pas de limites et le défi principal des criminels est de passer les frontières », explique Leïla Minano. L’un des premiers conseils de la journaliste pour enquêter sur le trafic d’êtres humains et le crime organisé en général est d’adopter une approche journalistique internationale. « Rester seul dans son coin à chercher via des sources françaises fait perdre un temps fou », souligne-t-elle. Elle explique que pour son enquête, elle a commencé par rechercher des informations dans d’autres langues en utilisant tout simplement Google Traduction pour découvrir si d’autres articles avaient été écrit sur les disparitions d’enfants vietnamiens dans d’autres pays d’Europe.
Collaborer
La journaliste recommande de faire appel à des réseaux d’enquête transnationaux comme OCCRP ou GIJN, qui peuvent permettre de bâtir des collaborations fructueuses dans le cadre d’enquêtes transnationales. Sur les disparitions, le collectif Lost in Europe est également une ressource précieuse.
Dessiner
Les réseaux de traite et de crime organisé sont souvent en lien les uns avec les autres et comprendre leurs différentes branches et imbrications peut parfois être un vrai casse tête. La journaliste recommande donc de faire tout simplement des dessins pour visualiser les filières et se retrouver dans la pieuvre.
Avoir une hypothèse
Comme dans la majorité des enquêtes, il est indispensable de partir avec une hypothèse de départ, quitte à la modifier au fur et à mesure de l’avancée des recherches. Sur les disparitions de mineurs vietnamiens, Leïla Miñano explique ainsi qu’elle a souhaité dès le départ mettre en lumière la responsabilité de l’Etat français et les dysfonctionnements de la justice pour stopper ces disparitions depuis cinq ans. « Très souvent, les articles sur les disparitions sont basés sur des témoignages de victimes très forts. C’est important, mais notre rôle à nous est de mettre en lumière les rouages et le système, d’aller le plus loin possible et de montrer les responsabilités de chacun, de désigner les institutions qui permettent à ces violations des droits humains de se reproduire », détaille-t-elle.
Faire parler les sources
Il est souvent difficile d’avoir accès aux sources sur ce type de sujet. Leïla Miñano recommande d’activer tous ses réseaux, et particulièrement les syndicats, qui sont souvent d’excellentes sources dans les enquêtes. La journaliste conseille de repérer les organes institutionnels eus sollicités par les journalistes, comme l’Office spécialisé dans le crime organisé de la gendarmerie en France. Enfin, il faut également entrer en contact avec les associations de victimes de la traite ou de survivants et survivantes.
Bonus:
Les rapports en ligne de l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) peuvent être une ressource intéressante. “Tout est en ligne, il suffit de faire ctrl F ! »
Marthe Rubió est l’éditrice francophone de GIJN. Elle a travaillé en tant que data journaliste au sein du journal argentin La Nación et comme journaliste indépendante pour Slate, El Mundo, Libération, Le Figaro ou Mediapart.