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Slavery is thought by many to have been banished in an earlier age, but millions of people remain in forced labor around the world. Speakers: Martha Mendoza, Tim Sandler, Malia Politzer, Emmanuel Mayah. Madelene Cronjé

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Couvrir l’esclavage : les conseils des pros

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Des journalistes assistent à un panel sur le trafic d’êtres humains et le travail forcé au #GIJC17 à Johannesbourg. Photo : Madelene Cronjé

On estime que 40 millions de personnes sont actuellement réduites en esclavage. Des journalistes de talent se sont intéressés à cette économie clandestine. Afin de conseiller celles et ceux qui pourraient être amenés à traiter ce sujet, quatre d’entre eux ont constitué un panel, intitulé « Révéler le trafic d’êtres humains et le travail forcé », au cours de la 10ème conférence mondiale pour le journalisme d’investigation à Johannesbourg.

Tim Sandler, responsable des enquêtes à Transparentem, Martha Mendoza, journaliste à Associated Press, Malia Politzer, journaliste à son compte, et Emmanuel Mayah, rédacteur-en-chef du Centre international pour le journalisme de développement, ont expliqué comment entrer en contact avec des sources et comment organiser le travail de terrain.

De par la nature même de ce trafic, il est difficile de trouver des victimes qui soient à la fois en sécurité, dans un état mental suffisamment stable et prêts à s’exprimer.

La recherche

Parler avec des ONG locales. Tim Sandler a conseillé de contacter, dans la mesure du possible, des organismes dirigés par d’anciens esclaves. Dans un papier intitulé « L’usage d’esclaves dans la pêche aux fruits de mer », qui a remporté le prix Pulitzer, Martha Mendoza a retracé le cheminement des fruits de mer pêchés en Asie et vendus dans de grands supermarchés aux États-Unis.

Elle a déclaré : « Nous avons contacté toutes les organisations d’aide aux victimes, les organisations du travail et les services sociaux et leur avons demandé : ‘D’où viennent ces gens ? D’où disent-ils venir ?’ » C’est grâce à ces ONG que l’équipe a pu identifier l’île du sud-est asiatique où 2 000 esclaves étaient détenus.

Écumer les annonces dans la presse locale. « Les annonces publiées dans la presse locale indiquant une recherche de main d’œuvre étrangère peuvent donner une idée des intermédiaires, de leurs méthodes et des tarifs promis », a expliqué Tim Sandler.

Les journalistes Martha Mendoza, Malia Politzer et Tim Sandler partagent leurs conseils pour couvrir le travail forcé et le trafic d’êtres humains

Selon son expérience, les victimes empruntent souvent à leurs proches pour lever « des sommes considérables » afin de s’assurer l’emploi annoncé dans le lieu désiré. Une fois arrivées, les victimes ne trouvent pas l’emploi escompté et sont réduites à l’état de prisonniers économiques, incapables de rembourser les dettes qu’elles ont contractées pour financer leur déplacement.

Utiliser la technologie. Les images satellites, les prises de vue par drone et les outils de géolocalisation tels que Banjo peuvent permettre de confirmer de simples soupçons et par là même de rassurer les rédactions, qui pourront ainsi dépêcher leurs journalistes sur place pour y enquêter. Martha Mendoza a contacté l’entreprise DigitalGlobe, qui prend quotidiennement des clichés satellites de « chaque endroit sur terre ». L’entreprise a bien voulu lui fournir les images dont elle avait besoin, ce qui a fini par l’amener à effectuer d’autres enquêtes sur les navires transportant du poisson. Depuis le succès de « L’usage d’esclaves dans la pêche aux fruits de mer », DigitalGlobe s’est mis à fournir des images satellites à tout journaliste qui en fait la demande.

Tim Sandler avait quelques conseils pour la recherche de travailleurs mineurs :

Suivre les récoltes (« En se focalisant sur les saisons de récolte du coton et du tabac, on y trouve immanquablement des enfants, du moins si on sait où chercher », a-t-il déclaré) ; interroger des enseignants dans les territoires suspectés (les enseignants peuvent avoir remarqué de longues absences scolaires ou des signes de fatigue ou d’abus) ; parler aux médecins et infirmiers locaux, qui pourraient avoir soigné des enfants ayant subi des conditions de travail difficiles.

Sur le terrain

Envisager l’usage de caméras cachées. Au moment d’envisager l’usage de caméras cachées, Tim Sandler a recommandé de se demander si un tel enregistrement était indispensable à l’intérêt public, si toutes les alternatives avaient été épuisées, et si les journalistes en faisant usage étaient prêts à dévoiler cette supercherie à leurs lecteurs.

Une manière de gérer cette question consiste à « dévoiler cet usage au public et le laisser décider si celui-ci est éthique ou non », a-t-il expliqué.

Prendre également en compte l’aspect juridique, tel que le risque d’actions en justice pour intrusion, pour atteinte à la vie privée ou encore pour diffamation.

Un dernier point capital : préparer une stratégie au cas où l’on serait démasqué.

Travailler en équipe. Pour « La Ruée vers l’or du 21ème siècle », Malia Politzer a passé près de deux mois sur le terrain à parler avec des passeurs, des narcotrafiquants, des travailleurs mineurs en Afrique et en Europe pour établir qui bénéficie de la crise des réfugiés. Ce faisant, elle a pris conscience de l’importance du travail collaboratif. En se soutenant l’une l’autre, sa collègue multimédia et elle sont arrivées à un résultat de bien meilleure qualité que si elles avaient travaillé de manière indépendante.

« J’étais meilleure avec les enfants. Elle était meilleure avec les passeurs », a expliqué Malia Politzer. Lors d’un incident où une caméra cachée avait été placée dans un atelier clandestin, elle a interviewé le propriétaire dans une partie du bâtiment pendant que sa collègue en filmait une autre.

Tous les panélistes ont mis l’accent sur l’importance de travailler avec quelqu’un qui parle la langue des victimes. « Elles ont besoin de quelqu’un avec qui elles peuvent établir un lien », a dit Martha Mendoza.

LEGENDE : Emmanuel Mayah aborde son enquête sur le trafic d’êtres humains. Photo : Madelene Cronjé

Ne pas négliger les malfaiteurs. L’enquête d’Emmanuel Mayah qui a révélé le trafic de réfugiés libériens « a débuté avec une source très inattendue », a-t-il raconté. En suivant la trace de rumeurs locales, il a découvert qu’une fonctionnaire du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), qui était en charge d’un camp de réfugiés au Nigeria, participait au trafic de réfugiés issus de ce camp. « C’était une responsable du UNHCR, c’était une femme, c’était une mère », a-t-il détaillé.

Faire preuve de délicatesse avec les victimes de traumatismes. Tim Sandler a appelé à être conscient des signes de traumatismes chez les victimes, entre autres la perte de mémoire, la désorientation, l’absence apparente d’émotions et la tendance à raconter différentes versions d’une même histoire.

Avant d’interviewer une victime, les panélistes ont expliqué qu’il était impératif de s’assurer que celle-ci était dans le bon état d’esprit. Comme l’a rappelé Malia Politzer : « Vous voulez éviter de lui faire subir un nouveau traumatisme. » Si possible, obtenir l’aval d’un psychologue ou d’un conseiller avant l’entretien.

Thalia Holmes est une journaliste sud-africaine travaillant à son compte. Ses domaines de prédilection sont l’économie, la santé et les articles au long cours. Elle a reçu plusieurs prix nationaux et a été journaliste économique au sein de la rédaction du Mail & Guardian. Dans une vie antérieure elle a été conseillère en gestion.

Madelene Cronjé est une photographe indépendante basée à Johannesbourg, en Afrique du Sud. Précédemment photographe au sein de la rédaction du Mail & Guardian, elle se spécialise dans le photojournalisme et les portraits éditoriaux.

Ce travail est sous licence (Creative Commons) Licence Creative Commons Attribution-NonCommercial 4.0 International

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